Depuis les débuts de Mijuin, nous suivons de près la progression de la filière du lin biologique en France, avec pour ambition de l'intégrer dans nos produits. C'est d'ailleurs une des questions qui revient régulièrement lors de nos rencontres : pourquoi n'avons-nous pas encore introduit de lin biologique dans nos articles ?

En juin dernier, Pauline et moi (Chloé) avons participé aux 9ème rencontres des filières textiles Lin bio et Chanvre, un événement organisé par l'association Lin & Chanvre bio pour réunir l'ensemble des acteurs de la chaîne de valeur : agriculteurs, filateurs, tisseurs, marques, ateliers de confection, etc. L'objectif de cette journée est d'échanger sur les enjeux du Lin et Chanvre biologiques, partager les expériences de chacun et agir ensemble en faveur de la réindustrialisation de ces filières ! 

Bref, une journée plus qu'inspirante et passionnante qui nous a donné envie de partager tout ça avec vous ! Alors aujourd'hui, je vous explique tout sur la filière de lin biologique et les raisons pour lesquelles le lin biologique n'est pas encore utilisé chez Mijuin.

1. Le lin biologique : la cerise sur le gâteau

Alors oui, le lin, même non biologique, est considéré comme une matière écologique, notamment en comparaison des matières synthétiques ou du coton produit à l'autre bout du monde. Le lin est une plante locale qui est peu gourmande en eau et en pesticide, et elle ne nécessite pas ou très peu d'intrants, ce qui en fait un choix plus durable.

Dans le cadre de la culture de lin dite "conventionnelle", les agriculteurs de lin ont une marge de manœuvre dans leurs pratiques agricoles : ils peuvent utiliser très peu d'intrants sur une année, puis augmenter leur utilisation l'année suivante, selon les conditions météorologiques. Précisons néanmoins que cela reste un usage modéré, rien à voir avec le coton !

Le lin biologique, c'est un peu la cerise sur le gâteau de la famille du lin puisqu'il garantit l'absence totale de produits chimiques de synthèse. Il est cultivé sans recours aux pesticides, insecticides, engrais chimiques ou OGM, supprimant ainsi toute exposition à des produits toxiques qui peuvent être nuisibles pour l'environnement, les agriculteurs et les consommateurs.

Contrairement au lin conventionnel, le lin biologique est réglementé par un cahier des charges stricte qui interdit l'utilisation d'engrais de synthèse et des pesticides de synthèse (par exemple les insecticides, les régulateurs de croissance etc.). Ces substances sont habituellement utilisées pour réguler les populations de ravageurs et de mauvaises herbes. Un contrôle annuel est mis en place pour surveiller les parcelles cultivées en mode biologique et contrôler le respect de ce fameux cahier des charges.

2. Quelles différences dans la culture ?

Les agriculteurs qui ont fait la transition du mode conventionnel au bio ont en réalité changé totalement leur approche, passant de méthodes destructrices à des méthodes préventives.

Bon il existe une multitude de différences alors je vous en ai sélectionné 2, celles qui ont été plus évoquées par les agriculteurs lors des 9ème rencontres des filières textiles Lin et Chanvre bio.

Lin culture française

- La rotation des cultures.

Si comme moi vous habitez à la campagne, vous avez peut-être remarqué que le champ en face de chez vous changeait régulièrement de cultures ?

Alors bien sûr, ca s'explique déjà par la saisonnalité de la culture des plantes : par exemple la laitue est une culture de saison froide et les haricots une culture de saison chaude. Mais, en effectuant des rotations, les agriculteurs évitent les maladies, les ravageurs et l'épuisement des sols.

Dans une approche conventionnelle, le lin est replanté sur les mêmes champs après un cycle de 5 ans, alternant avec d'autres cultures telles que les céréales les autres années.

En revanche, pour le lin biologique, il est conseillé aux agriculteurs d'espacer les cycles de culture de 7 ans, et de le planter après une culture structurante et nettoyante (bannir par exemple le colza de la rotation). Pendant ces 7 années, les autres cultures sont également de type biologique.

Donc, en résumé, pour une superficie de champ équivalente, un agriculteur bio produira moins de lin au cours de sa carrière qu'un agriculteur utilisant les méthodes conventionnelles.

Champs de lin français

- Le suivi des cultures et la méthode de régulation

Le lin est une plante complètement dépendante des conditions météorologiques, ce qui pousse les agriculteurs à surveiller attentivement leurs cultures pour intervenir au bon moment. Ils doivent être à la fois prévoyants pour éviter les problèmes, et réactifs en raison de la sensibilité de cette culture. Cette attention est encore plus importante dans le cas des cultures biologiques et les pousse à mettre en place tout un système de production pour protéger l'eau, les sols, et la santé des Hommes.

Par exemple, lors des 9ème rencontres des filières textiles Lin bio et Chanvre, plusieurs agriculteurs bio ont soulevé un réel problème lié à leur culture de lin biologique 2023 : les corbeaux ! Ils ont expliqué que ces oiseaux venaient se nourrir des graines fraîchement semées par les agriculteurs. Alors face à cette situation, certains ont partagé leurs conseils suite à des retours d'expériences : répulsifs sonores, épouvantail, bandes réfléchissantes… rien n'y fait. La seule méthode semblant fonctionner serait de planter les graines pendant la nuit, de manière à ce que les corbeaux ne se rendent pas compte que les graines viennent d'être semées et ainsi éviter qu'ils viennent les picorer dans les champs !

3. Et après l'agriculture, que devient le lin biologique ?

L'histoire du lin biologique ne s'arrête pas là ! Un textile en lin sera certifié biologique uniquement si l'ensemble de la chaîne de valeur, depuis l'agriculteur jusqu'au fabricant de l'étoffe, respecte le cahier des charges.

En effet, pour que le lin bio conserve sa valeur tout au long de la filière, chacun des maillons de la chaîne doit être certifié selon le standard GOTS (Global Organic Textile Standard). Pour obtenir le label GOTS “biologique”, les produits textiles doivent contenir au moins 95% de fibres biologiques certifiées. Par exemple, une fois récolté, le lin biologique doit être soumis au processus de teillage, qui consiste à extraire les fibres de la plante. Eh bien pour que le lin puisse conserver son label biologique, l'entreprise de teillage doit elle-même être certifié GOTS (Global Organic Textile Standard).

Lin biologique en France

En 2022, sur les 140 000 hectares de lin cultivés en France, seulement 900 hectares étaient dédiées au lin biologique, représentant ainsi moins de 1% de la production totale.

Mais, malheureusement, comme les industriels (filateurs et tisseurs) l'ont expliqué à l'évenement consacré à la filière de lin et chanvre bio, le volume de matière première en lin biologique ne leur permet pas de mettre en place une chaîne de production exclusive pour le bio. Les mêmes installations sont utilisées pour traiter à la fois le conventionnel et le bio, ce qui implique l'usage des mêmes machines et des mêmes travailleurs. Cela nécessite un suivi stricte de la traçabilité et un nettoyage des machines entre chaque lot pour éviter tout mélange de matière entre les deux types de lin.

4. Quels impacts sur l'adoption du lin bio par les industriels français ?

Malgré l'obtention croissance de la certification GOTS par des teillages Français comme Terre de Lin, La Coopérative de Teillage de Lin du Neubourg et Devogèle, tous envoient leur lin biologique teillé à l'étranger pour procéder à l'étape de la filature.

En effet, il n'existe aujourd'hui aucune filature en France qui traite spécifiquement le lin biologique. Seules deux filatures de lin européennes (utilisant par ailleurs la méthode « au mouillé »), sont certifiées GOTS pour la filature du lin biologique cultivé en France : Safilin, et Linificio. Cependant, Linificio est basée en Italie, et Safilin France n'a pas encore commencé à exploiter le lin bio, seule sa filature en Pologne le fait.

En optant pour l'approvisionnement en lin bio auprès de ces deux industriels, on irait donc à l'encontre de notre mission : Faciliter l'accès au lin en circuit court.

5. Comment inverser cette tendance ?

Comme l'expliquaient les agriculteurs, la diffusion des avancées techniques et la valorisation de ce lin bio les convainquent de plus en plus à passer à l'agriculture biologique. Mais, malheureusement leur implication reste limitée en attendant que les industriels Français s'engagent davantage dans cette voie.

Mais vous allez nous dire : pourquoi les industriels français hésitent-ils à franchir le pas ? Eh bien, en réalité, ces changements entraînent des contraintes assez exigeantes et des coûts supérieurs pour les filatures, nécessitant un engagement des marques à acheter du lin biologique filé en France. Malheureusement, les petites marques promouvant le Made in France, comme Mijuin, n'ont pas encore suffisamment d'influence pour inverser la tendance. La solution réside donc dans un engagement accru des marques à acheter une quantité déterminée de lin bio.  

Lin et chanvre bio

Les directeurs de Safilin, et des groupes Velcorex (Emanuel Lang) et Natup (French Filature) ont pris la parole à l'occassion des 9ème rencontres des filières textiles Lin bio et Chanvre pour encourager les marques à conclure des contrats pluriannuels avec les industriels. Cette démarche permettrait aux filatures de garantir un volume de production constant et donc des revenus suffisants pour assumer la transition vers le lin biologique. 

Pour encourager cette transition, des initiatives comme l'association Lin et Chanvre Bio contribuent à promouvoir et à développer la filière. Fondée en juin 2013 par une dizaine de producteurs, quatre teilleurs et trois entreprises de transformation de lin textile et de chanvre biologiques, l’association Lin et Chanvre Bio joue un rôle important. Jacques Follet, président de l'association, nous indiquait récemment que l'engouement pour le lin bio créé une dynamique :
toute la filière, des filateurs aux tisseurs, tricoteurs et créateurs, en
demande davantage.

  • Lin et Chanvre Bio

    Jacques Follet, président de l'association Lin et Chanvre Bio

  • Lin et Chanvre Bio

    L'équipe Lin et Chanvre Bio

Si la part actuelle du lin biologique dans la production totale est limitée, des efforts continus pourraient permettre d'atteindre les objectifs ambitieux fixés par l'Union Européenne pour l'agriculture biologique d'ici 2030. Actuellement à 0.5%, il faudrait multiplier cette part par 50 pour atteindre l'objectif de l'Union Européenne de 25% de bio en 2030 !

6. Le lin bio bientôt chez Mijuin ?

Chez Mijuin, comme on vous l'a dit plus haut, notre mission est de faciliter l'accès au lin en circuit court. L'ensemble des étapes de transformation de nos produits est réalisé à l'échelle nationale : le lin est cultivé, filé, tissé, puis confectionné en France.

C'est pourquoi nous avons fait le choix de ne pas intégrer de lin bio tant qu'il n'est pas développé entièrement Made in France. Nous attendons donc avec impatience que les acteurs de la filière lin françaises (marques et industriels) se jettent dans le grand bain du bio pour vous proposer des produits en lin bio en circuit court ! Cette transition ne devrait pas tarder, et vous serez bien évidemment les premiers à en être informés !!

On espère que cet article vous a plu et vous a éclairé sur la filière du lin biologique. Si des questions vous viennent, comme d'habitude, écrivez-nous 😉 

À bientôt !